Pour comprendre les évolutions du SI

Historique du SI en MSP

Les pionniers de l’informatique médicale sont apparus au début des années 1980. A la fin de ces années 1980, des premiers logiciels de gestion de patientèle étaient disponibles sur le marché. Au début des années 2000, les professionnels de santé utilisaient encore leur logiciel pour saisir des notes dans les dossiers patients, pour facturer à l‘assurance maladie et pour tenir leur comptabilité. Avec l’arrivée d’Internet, les professionnels se sont mis à utiliser de plus en plus leur ordinateur pour consulter des bases de données sur le web, et pour échanger des courriers électroniques avec d’autres soignants ou des patients.

Le travail en équipe de soins primaires a provoqué des modifications importantes, même si ce secteur a encore beaucoup de retard sur le reste de la société.

Les objectifs du système d’information

Le travail d’équipe en maison de santé et les objectifs du projet de santé élargissent les besoins par rapport au système d’information. Celui-ci doit permettre à la fois de :

  • Tenir à jour les dossiers des patients
  • Partager des informations sur les patients avec les autres professionnels de l’équipe de soins
  • Extraire et traiter des données sur la santé de la population suivie, afin d’évaluer les besoins et les résultats des soins, voire effectuer des audits qualité
  • Relancer des patients en cas de besoin (vaccination, actes de dépistage organisé)
  • Facturer les soins et suivre la comptabilité

Pour une bonne coordination des soins, le système d’information partagé au sein d’une maison de santé doit prévoir un volet médical de synthèse pour les patients porteurs de pathologies chroniques.

Le partage des informations

Un obstacle a longtemps freiné le développement des systèmes d’information en maison de santé. La réglementation ne permettait pas aux professionnels exerçant en libéral de partager des données alors que de tels échanges étaient autorisés en établissements de santé ou en EHPAD (maisons de retraites médicalisées). Grâce à une action de la FFMPS, la loi du 10 août 2011 a rendu ce partage possible. C’est l’article L 1110-4 du Code de Santé Publique. Dans un premier temps, il fallait recueillir le consentement exprès des patients, puis un décret du 20 juillet 2016 a modifié ce point. Le décret ramène les maisons de santé dans le même cadre que les établissements et les centres de santé.

Les professionnels de santé travaillant en exercice regroupé et ayant signé un projet de santé commun peuvent partager le dossier du patient suivi par l’équipe, si le patient ne s’y oppose pas. Les patients sont informés du partage d’information par affichage dans les salles d’attente.

Attention !

Cette notion du partage est tout de même réservée aux professionnels sollicités par le patient. Les systèmes d’information ont une mémoire et une traçabilité. Un patient peut demander qui a ouvert son dossier et quand. Si un professionnel non consulté a ouvert sans sollicitation du patient ou sans notion d’urgence vitale, cela peut relever du pénal.

Les systèmes d’information pour les maisons de santé et le label ASIP

Devant le nombre important de logiciels pour les professionnels de santé, il a fallu faire du tri. Avec l’aide de l’ASIP Santé (Agence des systèmes d’information partagés de santé, devenue ANS agence du numérique en santé en 2020), quelques membres d’équipes pluriprofessionnelles de la FFMPS et de la FNCS ont élaboré un cahier des charges des SI pour MSP et CDS. Les éléments essentiels de ce cahier des charges étaient une externalisation de la base de données chez un hébergeur, une utilisation interprofessionnelle, un moteur de recherche capable de produire des données, la capacité d’éditer simplement un volet médical de synthèse.

Ce cahier des charges a abouti à la création en 2012 d’un label « e-santé logiciel maisons et centres de santé ». Fin 2014, huit logiciels ont été labellisés. Trois d’entre eux ont obtenu le label de niveau 2 (ce qui signifie d’un niveau avancé). Les éditeurs améliorant sans cesse leurs solutions, ils peuvent demander une mise à jour de leur labellisation. Celle-ci est effective pour une durée de deux ans. Des audits de conformité sont menés régulièrement par les experts de l’ANS.

La création de ce label a été un grand pas en avant car il apporté une aide précieuse aux équipes pour choisir entre les multiples logiciels existant sur le marché. Malheureusement, au lieu de resserrer le marché, l’ANS a laissé ce label trop ouvert et 14 solutions étaient labellisées fin 2019 et 21 solutions en 2022.

Cela s’est cependant renforcé avec le Ségur du numérique en santé, puisque nous retrouvons cette volonté de fixer un cahier des charges minimal pour les logiciels de gestion de cabinet. L’objectif est aussi de fluidifier les échanges des données de santé entre les professionnels, en toute sécurité. 2 milliards d’euros ont été engagés sur ce travail qui avance régulièrement. La date du 15 juillet 2022 était une date butoir comme date limite pour commander un « logiciel référencé Ségur ». Peu de souci pour la plupart des MSP équipées de logiciel que les éditeurs les plus avancés remettent à jour pour bénéficier des aides de l’Etat. Il est cependant nécessaire de vous assurer que cela est bien engagé, car les forfaits de la ROSP pour les médecins seront conditionnés dès cette année à ce passage en version Ségur. Vous trouverez les détails de l’opération sur cette page de l’Agence du numérique en santé.

L’arrivée du DMP

La création du DMP, dossier médical partagé, va bien sûr impacter les systèmes d’information des MSP. Au début de l’ère informatique, l’Etat avait décidé de laisser faire le marché en imaginant une auto régulation. Cela n’a pas fonctionné, et il a fallu mettre de l’ordre dans ce bazar de centaines de logiciels non communicants entre eux. Le DMP était donc une commande des pouvoirs publics face à ce foutoir. Les professionnels étaient très résistants du fait de la charge supplémentaire de travail que cela représentait et d’une prise en main des pouvoirs publics. Mais n’ayant pas compris que « qui possède les données possède le pouvoir », et n’ayant pas su organiser le marché, ils ont perdu ce combat. Le DMP après quelques aventures, sera bien le dossier partagé de demain, comme il l’est dans d’autres pays. C’est l’assurance maladie qui le pilote, prenant ainsi plus de pouvoir sur les données. Les logiciels des professionnels de santé deviendront des interfaces facilitant le travail des équipes.

La feuille de route du numérique en santé

Une première puis une deuxième feuille de route du numérique en santé ont été publiées par le ministère de Santé. Les sous titres de la deuxième sont alléchants : « Redonner du temps aux professionnels de santé », « Simplifier la vie des professionnels et améliorer leurs conditions de travail ». Tant mieux. Il y a tant de points qui nous semblent en retard aujourd’hui dans ce monde numérisé de la santé. Ne seraient-ce que la récupération d’un dossier de patient lors d’un changement de médecin traitant. Ou la consultation des images d’un examen radio ou IRM avec des centres qui nous envoient encore des CD. L’ordonnance dématérialisée est une fois de plus annoncée, mais a pris du retard. Il semble que les éditeurs de logiciels médicaux aient du mal à suivre. A noter la bonne initiative d’intégrer la formation au numérique santé dans les études… d’ici 2027. Que ces objectifs sont loin dans une mode au changement aussi rapide.

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